Cet article de David Livingstone publié en juillet 2010 sur Ordo ab Chao, et dont vous pouvez retrouver un tiers sur Noaches, a été ponctué de vidéos convergeant avec son propos.
Il n’y a pas grand-chose qui devrait vous impressionner dans les écrits de Platon, qui est censé être le plus grand philosophe de l’histoire. Au contraire, il y a beaucoup de choses qui devraient vous inquiéter, car Platon a été le fondateur de nombreuses doctrines totalitaires qui ont sévi au vingtième siècle. La seule raison pour laquelle il a acquis la réputation qu’il a est que, tout au long de l’histoire de la tradition occulte occidentale et orientale, Platon a été considéré comme le parrain de ses doctrines et comme le grand représentant des anciennes traditions associées à la Kabbale.
Parmi les kabbalistes éminents de la Renaissance, Leone Ebreo, par exemple, considérait Platon comme dépendant de la révélation de Moïse, et même comme un disciple des anciens kabbalistes. Alors que le rabbin Yehudah Messer Leon, critiquait la similitude de la Kabbale avec le platonisme, son fils décrivait Platon comme un maître divin. D’autres kabbalistes, comme Isaac Abravanel et Rabbi Yohanan Alemanno, pensaient que Platon avait été un disciple de Jérémie en Égypte.
Sur la similitude des enseignements des philosophes grecs et de la Kabbale, le rabbin Abraham Yagel a fait le commentaire suivant :
Cela est évident pour quiconque a lu ce qui est écrit sur la philosophie et les principes de Démocrite, et surtout sur Platon, le maître d’Aristote, dont les vues sont presque celles des Sages d’Israël, et qui, sur certaines questions, semble presque parler de la bouche même des kabbalistes et dans leur langue, sans qu’il y ait la moindre tache sur ses lèvres. Et pourquoi n’adopterions-nous pas ces points de vue, puisqu’ils sont les nôtres, hérités de nos ancêtres par les Grecs, et jusqu’à ce jour, de grands sages adoptent les points de vue de Platon et de grands groupes d’étudiants le suivent, comme le savent bien tous ceux qui ont servi le sage de l’Académie et sont entrés dans leurs études, que l’on trouve dans tous les pays.
Bien que ces affirmations puissent sembler nouvelles au lecteur moyen, de nombreuses preuves viennent les étayer. En fait, on peut démontrer que la philosophie grecque n’est qu’une appropriation des idées des mages babyloniens, eux-mêmes influencés par les premières idées kabbalistiques juives.
L’ancienne Babylone
Le sujet des influences perses ou babyloniennes a fait l’objet de controverses au début du vingtième siècle. Plusieurs érudits de renom, dont Walter Burkert et M.L. West, continuent de s’intéresser à ce sujet.
Dans l’ensemble, cependant, l’idée n’a pas encore pénétré dans les cercles dominants, en raison d’une xénophobie qui insiste sur le “génie” unique des Grecs.
L’examen le plus approfondi de la question a été réalisé par le plus grand des savants du siècle dernier, Franz Cumont. Son ouvrage, Les Mages hellénisés, un recueil de sources anciennes sur le sujet, a reçu peu d’attention dans le monde anglophone, du fait qu’il n’a pas été traduit. Cela continue d’entacher la critique de ses théories, car la plupart des critiques n’ont pas lu l’essentiel de son œuvre.
Les érudits ont généralement rejeté la possibilité d’une influence perse en Grèce, en raison du manque de similitude entre les idées zoroastriennes et grecques.
Cependant, ce que ces chercheurs n’ont pas vu, comme l’a souligné Cumont, c’est que les mages avec lesquels les Grecs sont entrés en contact n’étaient pas orthodoxes, mais hérétiques. La seule façon de reconstituer leurs doctrines est d’accumuler les nombreux vestiges de commentaires à leur sujet dans les sources anciennes.
En reconstituant ces morceaux, on s’aperçoit que les doctrines mages sont très éloignées, voire inimitables, des doctrines zoroastriennes orthodoxes.
Cumont a découvert que ces mages pratiquaient une combinaison de dualisme dur avec des éléments d’astrologie et de magie babylonienne, qui composait une hérésie zoroastrienne connue sous le nom de zurvanisme. C’est dans cette étrange recomposition d’idées que l’on trouve les premiers éléments qui ont caractérisé la philosophie grecque.
Une autre composante que Cumont n’a cependant pas identifiée est celle de l’influence juive. Le culte des mages, fondé sur l’astrologie et la magie, est apparu à Babylone au sixième siècle, précisément à l’époque où une grande partie de la population juive était en exil. Nous ne pouvons pas savoir qui est à l’origine de l’introduction de ces idées, mais la Bible elle-même identifie Daniel à l’un des “sages”. Quoi qu’il en soit, ces idées apparaissent sous une forme mage reconnaissable, d’abord chez les Esséniens, et plus particulièrement dans le mysticisme de la Merkabah, que les spécialistes identifient comme les prémices de la Kabbale.
Il y a peu d’éléments permettant d’examiner le caractère de la littérature juive avant le troisième siècle avant Jésus-Christ. Avant cela, c’est en Grèce que l’on trouve l’élaboration de ces idées.
Les mages grecs
La philosophie grecque a d’abord émergé dans les cités hellénophones d’Ionie, en Asie Mineure, alors sous occupation perse. Et pourtant, nous continuons à la classer dans la catégorie de la philosophie “grecque”.
Le premier exemple clair de la pénétration de ces idées se trouve dans l’émergence des Mystères de Dionysos, qui, selon Héraclite, un philosophe du cinquième siècle avant J.-C., “étaient à l’imitation des Mages.”
On sait que le fondateur légendaire des rites de Dionysos était Orphée. Artapanus, un philosophe juif du troisième siècle avant Jésus-Christ, a déclaré à propos de Moïse que “lorsqu’il était adulte, les Grecs l’appelaient Musaeus”. Ce Musaeus était le professeur d’Orphée”. Aristobulus, un autre philosophe juif du même siècle, a affirmé qu’Orphée était un disciple de Moïse, et a cité ce qui suit d’un poème orphique :
Je chanterai pour ceux à qui c’est permis, mais vous, non-initiés, fermez vos portes, chargés sous les lois du Juste, car le Divin a légiféré pour tous de la même façon. Mais toi, fils de la lune porteuse de lumière, Musaeus (Moïse), écoute, car je proclame la Vérité.
Le plus grand représentant de l’orphisme fut Pythagore, qui influença ensuite la pensée de Platon. Par conséquent, selon Momigliano, dans Alien Wisdom, “c’est Platon qui a mis la sagesse persane à la mode, bien que la place exacte de Platon dans l’histoire soit ambiguë et paradoxale” 1.
Au cours des siècles restants, Platon a continué à être identifié par les mystiques juifs et les kabbalistes comme un étudiant de leurs doctrines. Selon Aristobule d’Alexandrie, dit « Aristobulus le péripatéticien » :
Il est évident que Platon a imité notre législation et qu’il avait étudié à fond chacun des éléments qui la composent. Car elle avait été traduite par d’autres avant Démétrius Phalère, avant les conquêtes d’Alexandre et des Perses. Les parties concernant l’exode des Hébreux, nos compatriotes, hors d’Égypte, la renommée de toutes les choses qui leur sont arrivées, la conquête du pays et le récit détaillé de toute la législation (ont été traduites). Il est donc très clair que le philosophe mentionné ci-dessus a pris beaucoup de choses (de ce livre). Car il était très érudit, tout comme Pythagore, qui a transféré beaucoup de nos doctrines et les a intégrées à ses propres croyances.
Platon : Architecte du nouvel ordre mondial
C’est dans sa République que Platon a formulé les bases du futur État totalitaire, dirigé par l’élite, ou “rois philosophes”, ou “gardiens”, instruits dans la Kabbale. Essentiellement, La République a fourni la base de tous les futurs projets des “Illuminati” [NDT : pas dans le sens des Illuminés de Bavière mais celui des adeptes gnostiques, rosicrucien, synarchistes etc.], y compris le communisme, l’élimination du mariage et de la famille, l’éducation obligatoire, l’utilisation de l’eugénisme par l’État et l’emploi de méthodes de propagande trompeuses.
Selon Platon :
toutes ces femmes seront les épouses communes de tous les hommes, et aucune d’entre elles ne vivra en privé avec un homme ; les enfants aussi devraient être tenus en commun, de sorte qu’aucun parent ne sache lequel est son propre rejeton, et qu’aucun enfant ne connaisse son parent. 2
Cette croyance est associée à un besoin d’eugénisme, car :
les meilleurs hommes doivent cohabiter avec les meilleures femmes dans le plus grand nombre de cas possible et les pires avec les pires dans le plus petit nombre, et que la progéniture des uns doit être élevée et celle des autres non, si l’on veut que le troupeau soit aussi parfait que possible.
Plus pernicieuse encore est sa prescription d’infanticide :
La progéniture de l’inférieur, et tous ceux de l’autre sorte qui sont nés défectueux, ils s’en débarrasseront convenablement en secret, afin que personne ne sache ce qu’ils sont devenus. C’est la condition pour préserver la pureté de la race des gardiens.
C’est pour cette raison que Platon a été au centre de toute la philosophie ésotérique depuis lors, et qu’il a été exalté par tous les principaux philosophes des Illuminati, pour lesquels il a articulé la vision d’un Nouvel Ordre Mondial, comme Kant, Hegel, Nietzsche, et récemment, Leo Strauss, le gourou des néo-conservateurs qui ont embarqué l’Amérique dans des guerres par procuration au Moyen-Orient pour le compte d’Israël.
Strauss, comme Platon, a enseigné qu’au sein des sociétés, certains sont aptes à diriger, tandis que d’autres ne peuvent qu’être dirigés. Mais pour Strauss, c’est Machiavel qui a initié le siècle des Lumières, en rejetant le monde purement théorique de Platon, au profit d’une interprétation plus pratique de la réalité, créant ainsi la science politique. Pour Strauss, conformément à la pensée machiavélique, la vertu ne serait pas applicable, car aucun régime ne pourrait répondre à ses normes. Il faudrait plutôt créer un nouveau régime en acceptant, en comprenant et en exploitant la tendance de l’homme à l’intérêt personnel, ou “nature humaine”.
Strauss pensait que ceux qui sont aptes à gouverner sont ceux qui réalisent qu’il n’y a pas de moralité. Par conséquent, Strauss pensait que le monde était un endroit où les conseillers politiques pouvaient être amenés à tromper leur propre public, et même leurs dirigeants, afin de protéger leur pays. Exposées à l’absence de vérité absolue, les masses succomberaient rapidement au nihilisme ou à l’anarchie. Elles “ne peuvent pas supporter la vérité”. Ainsi, selon Strauss, il est nécessaire de maintenir ces “fraudes pieuses”, ou “le Noble Mensonge”, comme l’aurait désigné Platon.
Enfin, comme Thomas Hobbes, Strauss pense que la nature intrinsèquement agressive des êtres humains ne peut être réfrénée que par un État nationaliste puissant. En d’autres termes, le fascisme. “Parce que l’humanité est intrinsèquement méchante, elle doit être gouvernée”, a-t-il écrit un jour. “Cette gouvernance ne peut cependant être établie que lorsque les hommes sont unis – et ils ne peuvent être unis que contre d’autres personnes. ” 3. Selon Shadia Drury, dans Leo Strauss and the American Right, “Strauss pense qu’un ordre politique ne peut être stable que s’il est uni par une menace extérieure.” En fin de compte, comme le précise Drury, “à l’instar de Machiavel, il soutient que si aucune menace extérieure n’existe, alors il faut en fabriquer une” 4.
David LIVINGSTONE
1 – Alien Wisdom: The Limits of Hellenization, p. 142
3 – Lobe, Jim. “Strong Must Rule the Weak, said Neo-Cons’ Muse”, Inter Press Service
4 – Ibid.